Paris. Début mars, une journée aux senteurs de printemps.
Le soleil a retrouvé sa belle couleur jaune éblouissante.
Il a abandonné sa pâle couverture d’hiver pour le bonheur
de tout le monde. Enfin presque.
Près de la tour Eiffel, sur un pont, penche un étudiant.
Il observe la Seine. Absorbé, il se laisse bercer par le ronflement
sourd de ses eaux tourbillonnantes. Il ne fait plus attention aux bruits
des moteurs. Ni aux conversations légères des passants. Seul
compte pour lui les eaux noirs et tumultueuses qui charrient les déchets
de l’humanité. Avec violence, des cadavres de rats, des branchages,
des cageots, des canettes, et bien d’autres choses encore, sont projetés
sur les bords de pierre, sont engloutis par les flots et, parfois, restitués
un peu plus loin.
Et s’il plongeait, lui. Après tout, il ne serait qu’un déchet
de plus.
De temps en temps, un courant d’air soulève quelques embruns
jusqu’à lui. Les eaux sont glacées. Tant mieux. L’engourdissement
s’emparera vite de lui, et l’emportera dans un dernier sommeil, loin d’un
monde dans lequel il ne se sent pas à sa place. Il saute.
À peine, a-t-il basculé qu’il se transforme en oiseau.
Mais il continue à tomber. La seine ouvre déjà sa
gueule pour l’ingurgiter, les lèvres écumantes. Quelqu’un
l’appelle.
Un oiseau blanc se précipite vers lui. Il se jette
sous notre ami en piquant. Puis remonte, lui montrant comment battre des
ailes. Notre ami déploie les siennes et tente d’imiter l’oiseau
blanc. Il réussit à se maintenir au-dessus des flots quand
enfin un souffle lui permet de rejoindre l’oiseau blanc. Celui-ci entraîne
notre ami dans le survol de Paris. Les monuments se dressent devant eux,
plus fascinant les uns que les autres. Des milliers de voitures font jouer
leurs couleurs au soleil dans une immense mosaïque mouvante. La ville
resplendit de mille feux, la vie resplendit. Mais voler est un art difficile
et notre ami, peu au fait des courants aériens, malgré les
conseils de l’oiseau blanc, ne met pas longtemps à être fatigué.
Il cherche un perchoir et ne voit pas que l’oiseau blanc continue.
Comment l’appeler ? L’oiseau lui avait parlé mais lui n’avait su
lui répondre. Tant pis, il faut qu’il se pose. Il s’approche de
la balustrade d’un pont qui fera parfaitement l’affaire. Ce pont, c’est
celui d’où il avait sauté.
Mais notre ami n’eut pas le loisir de se poser.
Subitement, il se retrouva penché au-dessus du pont, jeune
homme qu’il avait toujours été.
À côté de lui, une jeune femme lui prit
la main, le sourire malicieux, les yeux pétillants, elle avait une
plume blanche (déposée par le vent ?) accrochée aux
cheveux.