Le bateau arrivait. Il allait mettre un peu d’animation. Les fascistes sont sortis de la voiture. Deux avec le crâne rasés. Et avec les cheveux au carré, impeccables, type militaire. Pas un plus long que l’autre. Ce type là était carrément le bras droit d’un parti d’extrême droite. Celui qui s’était livré au trafic d’armes avec la Yougoslavie. Beaucoup de contacts en Afrique. Les armes viennent de là bas. C’est curieux. Au fil de ma filature, j’ai découvert que les armes sont refilés pour la moitié de leur prix à des groupes islamistes. Le leader du parti fervent idéologue de l’extrême droite soutient des groupes islamistes, en fait des groupes islamistes armés, sur le sol de la France. Tout compte fait ce n’est pas tellement curieux, on sait à qui profite l’insécurité en France. Mais je me demande qui manipule l’autre. Ce bœuf éructant sera-t-il vraiment capable de lutter contre les arabes si un jour il arrive au pouvoir ? Pardon, les arabes ! Pfa ! Je tiens des propos racistes ! Je fais un amalgame. Difficile à éviter d’ailleurs. Mais non, les arabes ne sont pas tous des terroristes. De même que le peuple allemand n’est pas collectivement tenu responsable de la deuxième guerre mondiale. En Algérie, ce sont des arabes qui souffrent. En France aussi d’ailleurs.
Les deux skins sont à la fac. En fait ils étaient plutôt
sympa. Je les ai pas souvent vu en cours, mais faut dire que je n’y allais
pas non plus. Ils n’étaient pas du tout antipathiques, c’est ce
que je veux dire. Brigitte Bardot n’en a pas l’air non plus et pourtant
... Ils ne se faisaient pas remarquer, ne développaient pas leurs
thèses, des gens comme vous et moi. Juste les crâne rasé
ou les cheveux très cours. Et alors, moi aussi il m’arrive d’avoir
les cheveux très cours.
Un soir d’hiver pluvieux, j’étais
à Deschazeaux, je rentrai du badminton. Assez stressé d’ailleurs.
Le quartier et plutôt sombre, et je suis tellement musclé
! Je les ai vu sortir d’une ruelle. Ils ne m’ont pas remarqués.
Faut dire que je fais toujours extrêmement attention. J’essaye toujours
faire le moins de bruit quand je rentre tard le soir. J’ai l’impression
qu’ainsi j’évite de prévenir d’éventuels agresseurs
que j’arrive.
Ils ont fait quelques pas à
70 m devant moi. Puis ils ont repris une ruelle à droite. Je ne
sais pas ce qui m’a pris. Une sorte de pressentiment. J’ai eu le réflexe
de me dissimuler derrière une poubelle. J’ai attendu 15 secondes
et un des gars, il s’appelle Marc je crois, l’autre s’appelle Cédric,
Marc donc, et ressortit de la ruelle. Il est resté au bout, il regardait
régulièrement à droite et à gauche. Il faisait
le gué. Je me suis tapi contre le mur, le long du trottoir, derrière
la poubelle, à l’abris de ses regards. Puis j’ai entendu le bruit
d’un moteur. Un gros moteur. J’ai jeté un coup d’œil depuis ma poubelle.
C’était le bruit d’une grosse Mercedes noire. Au moins une 500,
je sais pas. Elle est arrivé par en face et a tourné à
gauche dans la ruelle. Marc s’est mis à courir à côté.
Ils ont disparus dans la ruelle.
Je crois que ma vie m’a toujours
passionnée. Une vie trépidante. Le succès avec les
femmes, l’argent, l’aventure... Ça doit-être pour ça
que j’ai pas voulu prendre de risque, j’ai fait demi-tour et je me
suis barré en courant... Non, en fait je suis allé au coin
de la ruelle. Prudemment quand même. Mêlant le bruit de mes
pas légers à celui de la pluie qui tombait. La ruelle devait
faire une cinquantaine de mètres de long. Ils s’étaient réunies
à mis distance de chaque extrémité. La scène
était peu éclairée. En effet la ruelle ne disposait
que de l’éclairage des deux rues principales qu’elle joignait. Son
centre était donc rudement sombre. La pluie était top forte.
Je ne pouvais pas entendre ce qu’ils disaient. Et je n’avais aucun moyen
de me rapprocher. J’étais trempé, j’avais froid. J’ai décidé
de faire demi-tour et de rejoindre la rue de Verdun par la ruelle précédente,
afin de rentrer chez moi.
Je suis arrivé lessivé.
Je n’ai plus eu qu’à essorer mes vêtements et à dormir.
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