Humphrey Bogart
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Le lendemain j’ai repensé à tout ça. J’étais
curieux d’en savoir plus. Je me suis imaginé suivant les deux scarlas
(lascars). Cela pouvait être rigolo. J’avais un bon appareil photo,
ils supportait pas mal de pellicules, en particulier les 1600 ISO. Mais
il me faudrait un zoom. Je me prenais déjà pour Magnum !
Un zoom. Ben voyons, c’est ça, j’avais cas emprunter le matos de
Robin Master. Mais j’avais beau réfléchir je ne voyais pas
d’Higgins dans mon entourage. Par contre j’avais peut-être un Romeo.
J’avais un copain qui partageait le même amour que moi pour la photographie.
Il avait peut-être un zoom à me prêter. Et c’est comme
ça que j’ai récupéré un zoom. Et pas un zoom
de tapette ! Un 80-220 USM II, avec moteur indépendant, rapide et
silencieux. Je me suis donc mis à suivre les deux compères.
Ce que je voulais c’était une photo du type à la mercedes.
Les gens se foutent de tout
au Havre. Il y a de nombreux ivrognes, de nombreux paumés, ça
ne surprend plus personne. Près de l’apparte de Marc, il y avait
un porche marquant l’entrée d’une petite cours. C’est devenu ma
planque. Je restais là, dans des habits misérables, une bouteille
à côté de moi. En fait j’avais deux jeans l’un par
dessus l’autre. Un crade, et un en bon état. Celui en bon état
dessous. Avec ça une vielle chemise et une couverture. Dans la cour
j’avais aménagé une petite cache derrière une grille
d’aération. J’y planquais un blouson en cuir, ou parfois des blousons
échangés aux copains. Comme ça quand Marc se barrait,
je pouvais me changer. Quitter le Jean dégueulasse, en fait trop
voyant et mettre un blouson. Je rangeais ma couverture et la bouteille
dans la cache et je rattrapais Marc. Si j’échangeais souvent mon
blouson avec celui des copains, c’est que je pensais que ça m’éviterait
de me faire repérer. Je le suivait toujours de très loin.
Pas facile de repérer mon visage. Toujours le nez dans une vitrine,
derrière un poteau, ou quelqu’un... Et comme je n’avais jamais le
même blouson...
Et c’est comme ça, à
force de persévérance que j’ai découvert leur trafic.
Au bout de trois semaines. Car le week-end je retournais à Evreux.
Or les livraisons s’effectuaient le week-end. En fait, il y avait une rencontre
avant chaque livraison. Mais ce n’était jamais au même endroit,
jamais le même jour, ni la même heure. Il devait faire nuit,
c’est tout. Mais c’était toujours le même type, et la même
voiture. En réalité, j’avais très vite restreint ma
surveillance. Au bout d’une semaine, j’avais plus où moins laissé
tombé. Trop éprouvant, j’avais besoin de manger et de sommeil.
Et puis je n’avais rien découvert de passionnant. La semaine d’après
je me suis donc limité à l’observation nocturne de mes nouveaux
amis. Une sorte de travail de nuit. Et un soir j’ai pu voir Cédric
arriver. Ils sont partis presque aussitôt. Marc devait l’attendre.
C’était 11 heures du soir, un mardi. Pas facile de les suivre, la
ville était déserte. Et ils se déplaçaient
toujours à pied. Quelque soit la distance à parcourir. Mais
Le Havre offre quelques avantages. En particulier cette découpe
carrée des rues de la ville. Grâce à ça je pouvais
les suivre en empruntant un trajet parallèle au leur. Il me suffisait
de suivre leur direction, de prendre une rue parallèle, de les devancer
et contrôler s’il passait ou non, à chaque ruelle perpendiculaire.
Si je ne les voyais pas il me suffisait de remonter cette ruelle et de
continuer selon la même technique. Oh, j’ai bien failli les perdre
plusieurs fois mais je les ai toujours retrouvés. Et quand j’ai
cru les avoir définitivement paumés, c’est la mercedes noire
qui m’a indiqué le lieu de rencontre. Mais je n’ai pas pu m’approcher.
Aucun moyen, ni d’entendre de quoi il s’agissait ni de prendre de photos.
Ça à pas duré plus de 2 minutes. Pas de chance ce
soir là. Comme à la pêche quant on rentre bredouille.
Après cette rencontre, en
soirée, plus rien. Marc et Cédric ne bougeait pas. Juste
quelques sortis, ciné, bars, ratonnades... Non je déconne.
Ils se tenaient à carreaux. La troisième semaine j’ai donc
décidé de reprendre ma surveillance diurne. Et là,
la chance. Enfin. D’un certain côté j’ai toujours eu une espèce
de chance pour m’accompagner. En cours surtout. La chance de bûcher
les bon sujet ou l’éclair de génie au moment où il
le fallait. Et bien là idem. Le jeudi après midi, Cédric
et venu chercher Marc. Ils me sont passés devant. Et j’ai entendu
le lieu de rendez vous. Le meeting point. Et il se trouve que c’était
ma rue. Coup de chance ou piège ? Je me suis quand même
assez vite posé la question. Après tout, je m’étais
peut-être fait repéré. « Ce soir, rue du petit
corbillon », c’est ce que j’avais entendu. Ce jour là j’ai
pas pris de risques inutiles. Je ne les ai pas suivi. Je suis rentré
chez moi. Et à la nuit tombé j’ai prix position. J’ai pris
position sur le toit, mon toit. Je n’ai pas de fenêtres donnant sur
la rue. Si c’était une manoeuvre, ils ne pourraient pas me repérer
et de toute façon je pouvais m’enfuir facilement par les toits.
Je leur avais préparé
un petit cadeau. Avant de monter, j’étais aller placé un
Dictaphone dans une poubelle au milieu de la rue. Huit heures de bande,
je l’avais mis à la puissance maximale. Restait à espérer
qu’ils ne viendraient pas top tard. Pour ce qui est de l’appareil photo,
j’étais au niveau du premier tiers de la rue. J’ai préféré
ne pas trop bouger. Les toits au Havre sont considérablement en
pente. Plus qu’on ne le croit. Et puis il y avait des différences
d’étage entre les immeubles, avec des échelons rouillés...
Pourquoi prendre des risques inutiles ? J’avais un bon zoom.
Ils se sont pointés au bout
de 5 heures.
Dans la vie, je me faisais souvent
réveiller le matin par la radio. Je m’endormais avec et je me réveillais
avec, fonction sleep et wake up. Mais parfois je me réveillais dans
la nuit, quand la chaîne marchait encore, sur une chanson que j’aimais
particulièrement et que je voulais entendre, comme par magie. Et
bien c’est ce qui s’est passé. Sous les étoiles, j’avais
fini par m’endormir. Et je me suis réveillé au bruit très
caractéristique du moteur mercedes.
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